13 octobre 2005

Fille de fille-mère..

Extrait d'un échange sur usenet

[Anne]:
Comment savoir, lorsqu'on couche avec deux hommes dans une période fertile, lequel est le père ?

[Lf (Laure Fournier)] : Et surtout: est-ce si important?

Ca l'est parfois plus pour l'enfant que pour la mère. Lorsque j'ai voulu avoir un enfant, j'ai "fait mon bébé toute seule", comme disait Jean-Jacques Goldman dans une chanson bien connue à l'époque. J'avais plusieurs amants, dont deux qui avaient une probabilité assez grande d'être le géniteur potentiel. Ils ont tous deux tenus à devenir parrains de la petite. Aujourd'hui hélas, l'un d'eux, qui était marié, est décédé, et l'autre célibataire et sans enfants, a depuis adopté ma fille (déjà majeure à l'époque).

N'empêche, maintenant qu'elle vit elle-même en couple, et qu'elle s'apprête à faire un bébé, elle se demande si.., ou si.. Je pense être arrivée à la dissuader de vouloir approfondir la question, même avec l'accord de (celui qui est devenu) son père (et qui, je le sais, ne refuserait rien à sa fille adoptive, même un test ADN si elle lui demandait).

A quoi bon aller remuer ça ? D'un point de vue rationnel, ma fille en est bien consciente : lever l'incertitude n'offre que des inconvénients, pour absolument aucun avantage. Mais voilà, malgré tout, le besoin de savoir lequel était vraiment son père biologique la tenaille ..même si elle se rend compte que ce besoin de « savoir pour savoir » est stupide.

[JR (Jacques Rouillard]: Après tout, un bon pourcentage d'enfants de couples mariés étant le fruit d'adultères, c'est une probabilité qui touche absolument tout le monde.

Voilà. :-)

[JR] : Ressemblance physique ou pas, cf la ressemblance de la supposée fille de Montand avec son supposé père. Si donc ça tenaille votre fille, pourquoi est-ce que ça ne tenaille pas tout le monde?
L'enfance de ma fille n'a pas été comme celle de "tout le monde".

Des "filles-mères", comme on disait à l'époque, ce n'était déjà pas si courant.
Et certainement pas une "fille-mère" par choix. Je l'ai élevé seule, elle est allée très tôt à la crèche, mais j'ai néanmoins essayé quelle soit le plus souvent possible avec moi, même quand je partais en voyage d'affaires.

Pas question cependant d'interrompre ma carrière, je venais d'être nommée responsable de l'exploitation d'une salle informatique. Quand je contrôlais l'exploitation de nuit, je la prenais avec moi, dans la salle de contrôle. Quand un opérateur entrait, pour chercher une bande ou déposer des listings, il en profitait pour lui faire des risettes penché sur son couffin. J'étais tombée amoureuse d'un homme politique que je suivais partout, réceptions, dîners, galas, vernissages, .. en tailleur chic avec un sac kangourou sur le ventre.

Très chic, je vous assure, sisi.. Surtout avec un reliquat de panade au betterfood sur l'épaule. Heureusement que l'époque était non-conformiste, voire carrément anti-conformiste, ce qui me permettait de jouer les égéries d'avant-garde :-)




Le WE, je faisais aussi de la moto : j'avais acheté un ample blouson de cuir, qui ne me comprimait pas les seins, et qui me permettait en plus de lui faire une petite place, bien au chaud contre sa maman. Quand il faisait beau, je mettais mon blouson et je lui disais : "viens ici ma p'tite grenouille", et hop, parties toutes les deux, coeur contre coeur, sur les chemins de campagne, où nous allions voir le raisin mûrir dans les serres, ou encore retrouver mes parents, effarés de nous voir arriver en pareil équipage..

Ses parrains venaient souvent la voir aussi, parfois ensemble, ce qui donnait de drôles de « réunions de famille» où leur plus grand plaisir était de faire semblant de se «quereller» en essayant chacun de trouver le plus de ressemblances possible avec ma fille, à grands coups de surenchères.. Ils en faisaient tant et plus que je finissais par me demander si j'y étais encore pour quelque chose dans la "fabrication" de ma fille, et s'ils ne l'avaient pas faite finalement à eux deux.

Bref, je pense avoir donné à ma fille une jeunesse heureuse, quoique particulière et assez échevelée. J'avais découvert cette prodigieuse liberté que les années '70 offrait aux femmes, et j'en profitais à 200 à l'heure (j'avais aussi acheté une BMW 2002 tii décapotable), et j'y associais ma fille, persuadée d'être la meilleure mère du monde.

Pourtant, à l'adolescence, ma fille m'a fait une crise d'adolescence tardive que je qualifierais de «basse intensité, mais longue et tenace » avec bouderies, et rupture de toute communication parfois pendant des semaines. Elle était devenue nettement plus traditionnelle que sa mère. Etait-ce parce que j'en avais fait trop ? Etait-ce parce qu'elle se sentait trop différente de ses compagnes, moins évoluées qu'elle ? Etait-elle atteinte de ce mal que l'on nomme « la recherche de ses racines »

Aujourd'hui, elle est largement adulte, et elle a fait un virage de 180° par rapport à cette période, et nous sommes redevenues les meilleures amies du monde. Elle semble avoir compris que je n'étais pas qu'une originale un peu « spéciale », mais que, au contraire, il y avait derrière cette apparente nonchalance dans la manière d'assurer son éducation une philosophie de vie qui m'imprégnait : celui d'une femme libre.

Libre et indépendante.

Libre et heureuse.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Coucou, me revoilou ! Ah ça bouge un peu, je craignais que ce blog soit déjà mort. Bien rit en pensant au tailleur chic avec "un reliquat de panade au betterfood sur l'épaule."

Jeune mère, j'ai plus d'une fois vécu le même genre de mésaventure.. :-)

Élisa Naibed a dit…

Coucou Marie.
Ah c'est sûr que pas mal de jeunes "executive womens" se reconnaîtront..

Je dois avoir encore une photo cocasse. Si je la retrouve, je publie. Promis.

Anonyme a dit…

« J'avais plusieurs amants, dont deux qui avaient une probabilité assez grande d'être le géniteur potentiel. Ils ont tous deux tenus à devenir parrains de la petite. Aujourd'hui hélas, l'un d'eux, qui était marié, est décédé, et l'autre célibataire et sans enfants, a depuis adopté ma fille (déjà majeure à l'époque). »

Finalement, c'était un bon plan. Devenir papa d'une fille majeure. Pas de nuits sans sommeil, pas de couches-culottes, pas de problèmes d'éducation, pas de crise d'adolescence.
Passer au-dessus de tout ça, et devenir papa d'une jeune femme adulte et indépendante. Le rêve !

Le papa.

Élisa Naibed a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Élisa Naibed a dit…

Elle a fait son papa toute seule..
Elle a fait son papa toute seule..

:-)

[en remplacement du message du 26 octobre, 2005 22:18, effacé par mégarde]

Sar@h a dit…

Eh bien moi je comprends votre fille. Ma mère était célibataire, je l'ai assez revendiqué auprès de vieilles bigotes qui se complaisaient dans le fille-mère (je les ai même convaincues du terme).
Pour moi père inconnu, enfin pas pour tout le monde, mais secret très lourd. J'ai développé des qualités d'écoute pour capter la moindre information sur ? . Bilan : un prénom, un salaud, un artiste qui avait fabriqué un garage à 2 étages ! C'est parfois un handicap car j'entends des choses que je ne devrais pas entendre.
Et une piqure de rappel chaque fois que je rencontre un nouveau médecin "Avez-vous des antécédents familiaux ?" (J'ai compris que je le subirai jusqu'à ma mort) ou si j'ai le malheur d'avoir affaire à la police/gendarlerie "Nom du père ?"
Bien sûr j'ai appris à en jouer, je réponds "Inconnu" et le fonctionnaire est bon pour recommencer son travail, et moi de recevoir les 3/4 du temps un regard noir, de l'autre quart des excuses. Eux, demande-t-il à mon père combien il en a laissé dans la nature ?
Pour moi ce serait le plus beau cadeau d'avoir un nom. Je ne sais pas si j'aurai envie de le rencontrer, d'ailleurs peut-être n'est-il plus de ce monde …
Qu'aurai-je été avec un autre nom ?

Élisa Naibed a dit…

Grand Merci pour votre témoignage, sar@h. Qui rappelle bien la souffrance et les difficultés d'existence que connaissent souvent les enfants qui n'ont pas eu de père.
Les mères célibataires le sont rarement par choix (comme ce fut mon cas) et leurs enfants ont rarement eu la chance de ma fille, qui ne fut jamais vraiment tout-à-fait "sans père", comme je l'ai expliqué.
Mais je comprends encore mieux maintenant qu'elle ait voulu un vrai papa, même entourée comme elle le fut par son, et même ses «papa-parrains».

Anonyme a dit…

Une histoire comme je les aime. J'ai dévoré votre blog que je découvre, la tête de mon ado posée sur mon épaule... Je reviendrai sans elle...

Unknown a dit…

bonjour,
Je suis journaliste et je suis à la recherche de mamans, pour une nouvelle émission télé.
Si vous êtes interessé contactez moi au plus vite par téléphone au 0144091696 ou par mail au : maman.famille@gmail.com
A très vite
cordialement
Julie